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Jean RABEL
(Beauvais ?, 1548 - Paris, 5 mars 1603)

eintre, graveur et éditeur, Jean fut le fils de Jean Ier Rabel, maître orfèvre et marchand peintre parisien peut-être d’origine picarde, et d’Anne Kester (ou Chestre). Il naquit sans doute à Beauvais [1] avant que son père ne vint s’installer dans la capitale. Par contrat du 19 juin 1577, Rabel, simplement qualifié de « paintre » et se déclarant « aagé de vingt neuf ans passez », épousa Denise, fille d’Étienne Binet, maître barbier chirurgien, et peut-être parente de Claude Binet, lui aussi originaire de Beauvais, poète et biographe de Ronsard. Il choisit pour témoins ses « amys », les peintres parisiens Marc Du Val et Jacques Couste. Rabel connaissait également Jacques Pourbus : sa mère fut la marraine de l’une de ses filles.
   Le 22 août 1583, témoin avec Gourdelle au mariage de Thomas de Leu et de Marie Caron (fille du beauvaisien Antoine), Rabel se dit peintre et valet de chambre ordinaire de la reine de Navarre. Deux ans plus tard, il porte le même titre dans l’acte par lequel il reçut en dépôt un accord entre deux brodeurs. Pourtant, son nom n’apparaît dans aucun compte de Marguerite de France, et les documents le montrent établi maître peintre à Paris. À la tête d’un important atelier, Rabel fut surtout réputé pour les portraits au crayon et en taille douce : en 1585, Du Monin adressa « au sieur Rabel, parangon de la portraiture » un éloge poétique, rejoint huit ans plus tard par Du Peyrat, qui, dans ses vers, priait l’artiste de dessiner les beautés de sa belle et donner le crayon à de Leu pour pouvoir porter sur lui « l’image en taille douce ». Éditeur, Rabel fit en effet graver grand nombre de portraits des grands et des hommes de lettres (Dorat, Jodelle, Ramus, de Thou, Garnier) par Thomas de Leu (dont celui de Francis Drake daté de 1583), Charles Mallery ou Jacques Granthomme, probablement son apprenti. Celui-ci déclara demeurer au même logis que Rabel, rue Saint-Jean-de-Latran, en la maison de la Rose Rouge, paroisse Saint-Étienne-du-Mont, dans l’acte passé le 4 mai 1588, par lequel il promettait de tailler « trente portrais de princes et princesses telz que bon semblera aud. Rabel, de la grandeur et façon du portraict et modelle qui a esté monstré par led. Rabel aud. Grandhome » moyennant le prix d’un écu 2/3 par portrait. Rabel y est dit « maître peintre et bourgeois de Paris », titre qu’il porte également dans la sentence des Requêtes de l’Hôtel du 14 mars 1586, ordonnant la vente d’une maison au faubourg Saint-Victor qui lui échut par succession d’un certain Simon Malmedy, docteur en médecine, afin de racheter une rente constituée par le défunt et André Marcou, huissier aux Requêtes de l’Hôtel (ce qui explique le choix de l’instance). Contrairement à ce qu’affirma Adhémar et bien qu’aucun compte original de la maison de Louise de Lorraine n’ait été conservé, il est évident que Rabel ne fut alors ni le peintre de la reine, ni même officier royal. Toutefois, il eut peut-être l’occasion de travailler pour Louise de Lorraine, à en croire la dédicace rédigée par le peintre et accompagnée d’un petit portrait de la reine, qui ouvre le livre édité par Rabel en 1586 :
Les oracles des douze Sibylles, extraicts d’un livre antique, mis en vers Latins par Jean Dorat Poëte & interprete du Roy, & en vers François par Claude Binet. Avec les figures desdites Sibylles pourtraictes au vif, & tirées des vieux exemplaires par Jean Rabel. Mais rien ne permet d’attribuer à Rabel le crayon représentant Louise de Lorraine du Cabinet des Estampes (Na 22 rés., boîte 16, n° 1), l’œuvre peut-être d’Étienne Dumonstier, ni celui d’une veuve inconnue, dite à tort Louise de Lorraine, l’œuvre de Jean Decourt (boîte 16, n° 3).
   Pendant les troubles, Rabel resta à Paris et ne cessa guère son activité, sans pour autant se déclarer ouvertement pour la Ligue. Vers 1600-1602, il semble même entré au service de Henri IV. Dans le contrat d’apprentissage d’Olivier Girard, âgé de treize ans, il est ainsi qualifié de « valet de chambre du roi, maître peintre et bourgeois de Paris, demeurant quai des Augustins, paroisse Saint-André-des-Arts ». Veuf depuis 1602, Rabel mourut peu après que le « livre de fleurs qu’il avoit peintes » recueillit l’éloge de Malherbe (« Sonnet à Jean Rabel, peintre »). En mars 1603, Pierre de L’Estoile nota dans son Journal : « Le mardi 4e, mourust à Paris Jean Rabel, peintre, ung des premiers en l’art de pourtaricture, et qui avoit un bel esprit
. » Le registre de Saint-André-des-Arts corrige le mémorialiste, mais le prive aussi du titre de peintre royal : « Le mercredy cinquiesme jour du mois de mars mil six cent et trois décéda, sur le pont St-Michel, Jehan Rabel, vivant Me peintre à Paris, et, le jeudy sixiesme desd. mois et an, fut inhumé son corps au cymetierre de St-André des Arcs, à Paris. » Son fils Daniel, baptisé le 3 février 1578, fut également dessinateur de portraits et graveur.

[1] La copie du Martyre de Saint Laurent de Marc Antoine porte une mention : « Rabel Bellovacus ».

Voir : Marianne GRIVEL, « Au sieur Rabel, parangon de la pourtraicture”. Nouvelles recherhces sur les peintres-graveurs français de la fin du XVIe siècle : l’exemple de Jean Rabel », in H. Zerner et M. Bayard (dir.), Renaissance en France, renaissance française ?, Paris, 2009, p. 227-292.