Histoire Catherine de Médicis et sa passion des portraits La Galerie de portrait de l'hôtel de la Reine
 
Pour citer cet article : Alexandra Zvereva, « La Galerie de portraits de l’Hôtel de la Reine », Bulletin monumental, t. 166-I, 2008, pp. 33-41. Article mis en ligne le 12 novembre 2008 (http://www.portrait-renaissance.fr/histoire/publication_203.html).

Plan de situation de l'hôtel de la Reine entre 1570 et 1589 (dessin © A. Zvereva)

Agence Robert de Cotte.
Plan de l'Hôtel de Soissons. 1719.
BnF Cabinet des Estampes.
’après le règlement général du 1er janvier 1585 qui définit le nouvel « ordre de la cour », le grand maréchal des logis doit, en distribuant les appartements, veiller à ce que celui de Henri III comporte une salle, une antichambre, trois chambres (d’État, d’audience et royale) et au moins un cabinet contigu à la chambre de la reine, prévoir aussi pour Louise de Lorraine un cabinet, une antichambre et une salle, et faire en sorte « que l’appartament du logis de la Reine Mere de sad. Maté soit, s’il est possible, a plain pied de celuy de leurs Matez, sinon le plus près et commode qu’il se pourra, où il y ait salle, antichambre, chambre et cabinet, et s’il y a moyen qu’elle aye une gallerie »[1].
   Cette pièce lumineuse tout en longueur censée étendre la partie privée du logis de Catherine de Médicis puisque située derrière son cabinet, lieu privé par excellence[2], n’est associée à aucun usage protocolaire particulier, et le roi lui-même s’en passe facilement. Pourtant, elle semble être devenue indispensable pour Catherine depuis qu’en sa qualité de reine douairière et conseillère privilégiée du roi, elle pouvait y prétendre. Du vivant de Henri II, ses appartements en étaient dépourvus, y compris dans ses châteaux de Chaumont et de Montceaux[3] : pour des raisons aussi bien de modes de vie que de prestige, la galerie, lorsqu’il y en avait une, faisait toujours partie du logis du roi[4]. Mais dès l’avènement de François II, Catherine voulut s’installer plus en accord avec sa nouvelle position et plus à son aise, en disposant notamment d’une pièce assez spacieuse pour pouvoir s’y rendre lorsque le temps ou sa santé ne lui permettaient pas de descendre dans les jardins car, à l’instar de Montaigne et de nombre de leurs contemporains[5], elle préférait réfléchir, converser et traiter des affaires de l’État en marchant. Le palais de la reine Arthémise décrit par Nicolas Houel en 1562 ne possédait-il pas des galeries pour « se promener »[6] ? Partout où cela était possible, Catherine s’octroya ainsi des vastes appartements avec une galerie attenante – à Fontainebleau et à Montceaux, elle occupait désormais le logis de son défunt époux[7], à Blois celui de François Ier
–, et il en était de même dans toutes les résidences qu’elle faisait dès lors bâtir et dont le « départiment » obéissait à ses ordres[8]. Son logis au château de Saint-Maur, resté inachevé, était flanqué d’une galerie et il devait en être de même aux Tuileries, abandonnées puisque trop exposées. Enfin, la construction de l’hôtel de la Reine – futur hôtel de Soissons –, résidence préférée de Catherine durant les dernières années de sa vie, débuta par une galerie.
   C’est en 1570 que Catherine de Médicis acheta l’hôtel Guillart situé rue du Four, près de Saint-Eustache à l’intérieur des murailles de la ville. Le bâtiment était habitable, mais avant de s’y installer, la reine ordonna quelques aménagements et fit édifier dès l’année suivante une galerie sur un portique à arcades le long de la rue des Deux-Écus avec la nouvelle entrée principale de l’hôtel, puis un corps de logis sur la rue des Vielles Étuves relié à la galerie par un pavillon d’angle[9]. Contrairement aux Tuileries, cette nouvelle demeure n’avait rien d’un palais, mais les appartements de Catherine y étaient spacieux et agencés selon ses goûts. La place manquant cependant pour loger une suite conséquente, recevoir avec faste et surtout créer un jardin, elle continua d’acquérir les maisons voisines, annexa une partie des rues des Vieilles Étuves et d’Orléans[10], et obtint même du pape la permission de déplacer le couvent des Filles Repenties[11]. En faisant raser toutes les constructions à l’exception de la chapelle de l’ordre[12], la reine mère disposait enfin d’un terrain, certes irrégulier et en partie occupé par des maisons particulières, mais digne d’accueillir une résidence royale dont elle confia la réalisation à Jean Bullant, à charge pour lui d’intégrer dans son projet le logis existant et la galerie. Bullant garda donc l’ancien quadrilatère, puis, abandonnant ses premières idées trop ambitieuses, rénova le bâtiment en face de l’entrée en y intégrant un grand escalier et éleva dans l’angle de la cour une colonne toscane de 31 mètres ornée des chiffres de la reine[13]. Il mourut en 1578, peu après avoir commencé la construction d’un corps de logis sur le jardin qui allait occuper l’ancien enclos des Filles Repenties. La supervision du chantier échut au maître maçon Claude Guérin, qui bâtit un élégant édifice aux pavillons latéraux en saillie reliés par un mur à arcades et donnant à l’arrière sur un jardin carré tracé à l’emplacement des maisons acquises et démolies, mais aussi aménagea les communs, rénova la chapelle et la dota d’une nouvelle façade.
   Si la reine mère avait encore quelque projet pour sa maison parisienne, elle mit fin aux grands travaux, et l’hôtel ne connut à nouveau des changements d’envergure qu’après de nombreuses péripéties – mort de Catherine, procès intentés par ses créanciers, disparition de la duchesse de Bar, sœur de Henri IV, qui acheta la demeure en 1601 –, lorsqu’il devint, en 1606, la propriété de Charles de Bourbon, comte de Soissons, qui lui donna son nom. Le comte et son épouse ne cessèrent d’embellir leur résidence : ils firent bâtir au nord un grand corps de logis en pendant aux anciennes constructions, rénover la façade sur jardin[14], redécorer le portail d’après le projet de Salomon de Brosse[15] ; le tout semble-t-il sans toucher aux bâtiments sur cour à en juger d’après le plan conservé aux archives de Turin, le plus ancien qui subsiste pour cette partie de l’hôtel[16]. Leurs successeurs, les Savoie-Carignan[17], eurent moins de scrupules à remanier l’ancien logis : les modifications sont attestées par des plans que l’agence de Robert de Cotte réalisa en 1719 afin d’évaluer la possibilité de transformer l’hôtel en Bourse des monnaies, la proposition venant des agioteurs de Law installés dans le jardin et soutenus par Boffrand, à qui Victor-Amédée de Savoie Carignan vendit frauduleusement l’édifice en 1718[18]. Sur ces relevés, un monumental escalier rampe sur rampe occupe la partie est de la galerie, transformant en vestibule les anciennes remises et bouleversant la distribution des pièces de l’étage. Ce furent sûrement les dernières rénovations, quand Boffrand découvrit le triste état de l’hôtel converti en tripot par Victor-Amédée. La vente résiliée en 1720 suite à la fermeture de la bourse de change par le Conseil d’État, le prince de Carignan abandonna sa demeure. En 1747, ses créanciers obtinrent la démolition du bâtiment qui n’épargna que la colonne intégrée plus tard à la rotonde de la Halle aux Blés[19].
   Aujourd’hui il ne reste donc rien de la galerie de l’hôtel de la Reine, alors qu’elle paraît avoir été tout aussi exceptionnelle que la colonne, mais en raison de son décor intérieur. Ses rares représentations – on ne dispose que des plans de Paris dont seul celui de 1674 par Jouvin de Rochefort orienté au nord –, présentent à l’extérieur un bâtiment sobre, couvert d’ardoise, presque banal quoique très long et étroit (plus de 40 m sur 5,50 m environ). D’après les plans de Turin et de Paris, le portique ouvrait par huit arcades inégales sur la cour d’honneur large de 28 mètres, et servait de porche et de remise à carrosses. Il faut croire qu’il y avait autant de fenêtres à l’étage occupé par la galerie et autant de lucarnes pour éclairer les combles servant de garde-meubles[20]. La façade sur rue ne présentait aucune ouverture au rez-de-chaussée à l’exception de la porte d’entrée. Mais il devait sans doute y en avoir plusieurs à l’étage de la galerie, les huit fenêtres du côté cour ne pouvant suffire à l’éclairer, d’autant que les murs jouxtant l’ancien logis en était privés. La vue cavalière de Jouvin de Rochefort qui aurait pu renseigner sur ces ouvertures, est trop sommaire et ne fait que confirmer leur présence, mais on peut tenter d’en restituer l’emplacement grâce au relevé de 1719 qui indique quatre fenêtres percées par les Carignan pour éclairer le nouvel escalier, selon toute vraisemblance au-dessous de celles qui existaient à l’étage. En ce cas, il est impossible que le mur de la galerie côté rue ait présenté une fenêtre en face de celle située à l’angle sud-est de la cour. L’une des baies de la façade devant logiquement se trouver à la verticale de l’entrée, on est en droit de supposer que la disposition des fenêtres dans la galerie n’était ni symétrique, ni alternée, mais irrégulière.
   Hélas, les sources iconographiques ne sont d’aucun secours pour imaginer l’intérieur du bâtiment et de cette galerie du premier étage qui en était la raison d’être, car si sa construction importait tant à Catherine de Médicis, c’est parce que plus qu’un espace de promenade, de détente et de travail, elle devait aussi abriter des portraits. Or c’était la première galerie de ce genre dans une résidence royale française et l’une des plus importantes d’Europe. Bien qu’Italienne, la reine avait une véritable passion pour les portraits de l’école des Clouet qu’elle possédait en quantité : sa collection de dessins aux crayons comptait à elle seule plus de 550 feuilles, auxquelles il faut ajouter plusieurs centaines de portraits à l’huile, en miniature et en émail, ainsi que de nombreuses œuvres étrangères, dons des maisons européennes alliées[21]. Mais parmi les nombreuses pièces de son hôtel, il n’y avait que la galerie capable d’accueillir les tableaux de grand format et de longues suites, hiérarchisées et structurées par l’agencement même de cet espace, contrairement aux cabinets où Catherine pouvait placer des petits portraits de tailles variées sans obligatoirement leur conférer un ordre précis.
   La galerie reçut ainsi « plusieurs tableaulx des Roys, Roynes, Princes et Princesses » dans un cadre luxueux que l’on peut reconstituer grâce aux devis dressés le 20 décembre 1581 par les peintres royaux Jacques Patin et Ruggiero de’ Ruggieri[22]. Profitant du réaménagement de la demeure suite à la construction du nouveau corps de logis, Catherine chargea les ordonnateurs de ses bâtiments, Jean Baptiste Bencivenni dit Bellebranche et Jean Potier, de rénover aussi la galerie. Ses lambris peints de couleur de bois de noyer, ornés de feuillages et d’arabesques, dorés d’or fin et vernis, ses croisées et son plafond dorés ne nécessitaient pas de travaux, mais servirent d’exemple pour l’« appartement et logis du Roy au second estaige de logis dernierfaict de neuf »[23]. Dans la galerie, il fallait peindre, vernir et dorer les « bordures doubles des vingt quatre tableaux doubles » et des cartouches, les enrichir « d’œufs guillochés, feuillages et refentes », dorer et vernir les écriteaux contenant des devises en vers et les mettre (ou remettre) au-dessus des tableaux dans les tables d’attente ornées de branches de laurier, et de chiffres de Catherine dorés, le tout en prenant pour modèle les portraits du roi et de la reine d’Espagne « faictz et encommancez » et en respectant les souhaits de la reine[24].
   Si les devis restent muets sur la plupart des portraits, il serait vain d’en rechercher la liste dans les mémoires et les lettres des courtisans, car la situation indéniablement privée de la galerie – elle prolongeait l’appartement que Catherine occupait dans l’ancien hôtel Guillart, puis dans le nouveau corps de logis rue des Vieilles-Étuves – la fermait à la majorité des visiteurs, en dépit de son décor extrêmement somptueux. Ne subsiste que le témoignage de Lady Cobham qui y fut conviée par Henri III et Louise de Lorraine le 14 février 1580, la veille de mardi gras, le couple royal remplaçant la reine mère malade. Anne Sutton Brooke, épouse de l’ambassadeur Henry Cobham, fut en effet chargée d’une délicate mission : les pourparlers concernant l’union d’Élisabeth Ire et du duc d’Anjou venant de reprendre, la reine d’Angleterre lui envoya son portrait en miniature pour le montrer discrètement à Catherine, toujours méfiante à l’égard des portraits officiels. Le roi, bien informé et impatient de voir l’image, se montra particulièrement affable, invita Lady Cobham à sa table et lui fit ouvrir la porte de la galerie de sa mère pour pouvoir amener la conversation sur les portraits : « Il nous conduisit jusqu’à une belle galerie, gardant lui-même la porte jusqu’à ce que tous ceux qu’il voulait voir présents fussent entrés. Puis, montrant les tableaux aux dames, il me fit appeler et me conduisit à ceux du roi et de la reine d’Écosse, demandant si je les avais déjà vus. Je répondis que j’ai vu le roi, mais jamais la reine[25] ».
   On aurait pu en rester à cette description laconique sans les troubles de la Ligue qui, en 1589, obligèrent les commissaires de la Chambre des Comptes à dresser un inventaire de l’hôtel – les créanciers de la reine mère avaient peur que le duc et la duchesse de Mayenne qui l’avaient choisi pour résidence s’approprient les meubles[26] –, et sans le projet de Henri IV de récupérer les tableaux pour « ses galeries », qui incita le roi à les faire répertorier dès l’annonce de la mort de sa sœur le 17 février 1604[27]. En 1589, un certain Trubart, maître tapissier, fut appelé par les commissaires pour décrire les objets ; rien d’étonnant qu’il ait décrit les tissus avec minutie, mais qu’il n’ait relevé au meilleur des cas  pour les peintures que le nom du modèle, le support et la présence ou non d’un cadre (« chassis »). Quinze ans plus tard, l’expert désigné fut le peintre du roi Jacob Bunel qui œuvrait alors à la décoration de la Petite Galerie du Louvre. En professionnel, Bunel précisa la technique, les dimensions et la valeur des tableaux toujours en place (la moitié environ), mais hésita quant aux identifications et omit tous les détails des portraits qui, estimait-il, ne pouvaient intéresser le roi.
   Confrontées l’une à l’autre, les listes parfois superficielles de Trubart et de Bunel fournissent des éléments précieux sur le contenu de l’hôtel de la Reine au temps de sa splendeur, ainsi que sur la disposition des pièces. Les logis du premier étage apparaissent ainsi remplis de portraits : au total, ils étaient plus de 300 accrochés aux murs ou enchâssés dans les lambris. L’appartement de Catherine, qui commençait par une salle, une antichambre et une chambre ornée de 20 portraits[28], se prolongeait par le cabinet aux Armoires avec 11 autres effigies, l’oratoire[29] et la galerie, pour se terminer par le cabinet « du côté de la rue du Four » (ou « au bout de la Galerie ») renfermant 22 petits tableaux de « diverses figures » et 31 portraits dont 27 de la famille Médicis[30]. Chacune de ces petites suites obéissait à ses propres règles tout en étant une partie intégrante de cette impressionnante collection de visages dont la galerie constituait le joyau avec ses 55 grands portraits enchâssés « en bois d’or ».
   On accédait nécessairement à la galerie par le cabinet aux Armoires, pour découvrir à droite une cheminée monumentale et sur son manteau – la place d’honneur – le portrait de François Ier de six pieds de hauteur sur quatre de large, estimé 60 livres tournois par Bunel et sans doute semblable à celui du château de Chambord. Une autre cheminée devait lui faire face pour chauffer la pièce, mais dépourvue de portrait, elle n’est pas mentionnée. Le mobilier de la galerie se résumait à une « grande table de marbre, marquetée de diverses sortes et couleurs de marbre, assize sur ung pied de bois doré et marqueté » et « six chandeliers, façon de croutelles »[31]. Peints sur toile et de dimensions variées (à en croire les estimations de Bunel fondées d’abord sur le format puis l’état de conservation, mais jamais sur la qualité artistique), ils étaient regroupés en panneaux correspondant aux trumeaux – ce sont les « tableaux doubles » des devis[32] –, chacun possédant cependant son propre cadre doré et son écriteau intégré aux lambris avec le nom et la devise du modèle.
   Au prime abord, l’ordre choisi semble dynastique et la préséance respectée, les rois précédant les princes et les ducs, et les hommes venant avant les femmes. Mais à l’examen, le programme apparaît complexe et ambitieux, loin du déroulement linéaire d’une suite familiale où le sens s’impose par la simple succession des règnes. Ainsi, la famille de François Ier – sa mère, sa sœur, ses deux épouses, fils et filles – occupait l’extrémité ouest de la galerie autour du fondateur de la lignée des Valois-Angoulême, les portraits de la duchesse et du duc de Savoie et les souverains de Navarre côté cour ouvraient naturellement la suite des princes étrangers (Ferrare, Angleterre, Empire, Portugal et Espagne), tandis que ceux de Henri II et de Catherine présidaient, côté rue, celle de leurs enfants[33]. L’extrémité est de la galerie se trouvait dédiée à la « jeune » génération, les quatre petites-filles de Catherine – deux infantes d’Espagne, Marie-Isabelle de France et Christine de Lorraine – en vis-à-vis de Rodolphe II, Don Carlos d’Espagne et Charles-Emmanuel de Savoie, que la reine mère voulait voir épouser Christine. Au milieu, les rois de France du siècle passé – Louis XI, Charles VIII, Louis XII – regardaient les fils de Henri et de Catherine, le duc d’Orléans faisant face à Louis XII, en l’honneur duquel il fut prénommé. Les maisons alliées étaient éclatées, car si les enfants de France apparaissaient avec leurs conjoints, les parents de ceux-ci – père et mère seulement[34] –, se trouvaient sur le mur opposé. De même, Renée de France accompagnait son père plutôt que ses deux enfants, Anne et Alphonse d’Este, voisins d’Édouard VI, Marie Tudor et Marie de Portugal, fille de la reine Éléonore. En définitive, seul le côté de la galerie consacré à la famille de Catherine affichait une ordonnance stricte et possédait un sens de lecture : en partant de la droite, ses fils régnants et leurs épouses y sont suivis par ses autres fils, ses filles avec leurs conjoints et ses petites-filles, une parfaite copie en grand des portraits qui ornaient, depuis 1573, le livre d’Heures que Catherine hérita de son beau-père[35]. Le mur opposé consacré aux familles apparentées avait sa propre unité, visuellement renforcée par le nombre plus important des tableaux et leur plus petite taille : Bunel les estima 24 livres tournois, voire 20 livres tournois pour celui d’Antoine de Bourbon ou les Savoie, alors que ceux des Valois atteignaient 30 ou 36 livres tournois, et même 45 livres tournois pour la reine Claude. Ironiquement, à la fin du XVIIe siècle, le seul portrait que Gaignières trouva à copier à l’hôtel de Soissons fut celui de Louis XI, qui ne valait que 18 livres tournois en 1601[36]. Il est à noter que le roi y étant représenté en pied, on peut croire que les autres personnages l’étaient également.
   Toute la suite s’inscrit parfaitement dans l’espace qui lui est alloué, ne dénotant ni césure, ni rajout, ni aménagement, et gardant toujours sa logique : que le spectateur promène son regard sur les portraits alignés ou qu’il tourne la tête pour contempler les images d’en face, il découvre à chaque fois un ensemble cohérent, toujours animé par la même idée de la grandeur de la maison de France, intégrant et dominant les plus importantes lignées d’Europe. Dans cette optique, les absences les plus surprenantes – la reine d’Angleterre, Ferdinand Ier, les souverains pontifes, les Médicis, Madeleine de La Tour – s’expliquent facilement.
   Les peintures, ou plus exactement copies, furent sûrement réalisées spécialement pour la galerie et la présence parmi elles de Rodolphe II et du roi du Portugal permet d’en dater la création entre 1576 et 1578, époque où la reine mère, accablée par la disparition de tant des siens, avait repris confiance et rêvait à une descendance et à la paix retrouvée. La galerie fut son œuvre personnelle, ses dimensions, emplacement et son programme étaient certainement arrêtés dès que la décision fut prise par Catherine de rebâtir l’hôtel Guillart. Sans reproduire les suites existantes, comme le musée de Paolo Giovio[37], où les recueils de portraits dessinés[38] dont s’inspiraient alors les amateurs, cette suite était la projection, l’incarnation de ce à quoi elle avait consacré sa vie : que, par les enfants qu’elle avait donnés à Henri II, la dynastie des Valois brille en Europe d’un éclat incomparable. Rien d’étonnant que ses sources d’inspiration soient à chercher non pas dans les galeries familiales, mais dans les compositions dynastiques qui décoraient certains édifices publics comme la Grande salle du Palais, et, plus particulièrement, car élargie aux épouses, enfants, alliés et dignitaires, l’éphémère galerie de l’Hôtel de ville de Paris, partie intégrante du spectacle monté par Étienne Jodelle pour célébrer la prise de Calais en 1558[39].
   Comment ne pas songer à la somptueuse galerie de François Ier à Fontainebleau dont l’accès ne se faisait que sur l’invitation expresse de son propriétaire[40] ? A l’instar de l’œuvre de Rosso, la galerie de portraits de Catherine de Médicis n’était qu’un écrin, et si les portraits remplaçaient les stucs et les fresques, les contempler était aussi un ravissement, un rare privilège, un honneur et une inspiration. Souhaitant enfin doter la résidence royale du Louvre d’une galerie de portraits des rois et reines de France[41], Henri IV l’avait certainement à l’esprit pour y envoyer Jacob Bunel occupé à réaliser ce grand dessein politique. Et peut-être la salle des illustres du château de Beauregard créée par Paul Ardier dans les années 1620-1640 est aussi un lointain reflet de la grande Galerie de portraits de l’hôtel de la Reine, si injustement oubliée ?

Galerie de portraits de l'hôtel de la Reine (dessin © A. Zvereva)

NOTES

* Ce travail est le prolongement de la thèse de doctorat consacrée à la collection de portraits de Catherine de Médicis et fait partie d’une étude plus vaste sur l’hôtel de la Reine à Paris. Je tiens à remercier M. le Professeur Alain Mérot et Mme Monique Chatenet qui m’ont permis de présenter les premières conclusions de cette recherche lors d’une journée d’études organisée par l’INHA (Institut National d’Histoire de l’Art) en mai 2006. Leurs conseils et critiques ont été judicieux et leur aide particulièrement précieuse.
[1] B.n.F., ms. Dupuy 218, fol. 70 r°-119 r° :
Reiglement fait par le Roy a Paris le premier jour de Janvier mCv IIIjxx cinq de tous les Estats de sa Maison (copie, XVIIe siècle), « L’ordre que le Roy veut estre tenu par le grand Mareschal de ses logis », fol. 78 v°.
[2] Voir J. Guillaume, « La galerie dans le château français : place et fonction »,
Revue de l’art, n° 102, 1993, p. 32-42.
[3] Voir C. Chevalier,
Histoire de Chenonceau, ses artistes, ses fêtes, ses vicissitudes, d’après les archives du château et les autres sources historiques, Lyon, 1868, p. 299-308 ; M.-N. Baudouin-Matuszek, « Le château de Montceaux lors de la succession de Marie de Médicis », Bulletin de la société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 118e année, 1991, Paris, 1994, pp. 71-101.
[4] Ainsi à Chambord, Blois, Fontainebleau, Saint-Léger, Montceaux-en-Brie. Villers-Cotterêts constituait peut-être l’unique exception, puisqu’une galerie en bois (construite sous Charles IX ?) y était accessible depuis le cabinet du roi et la chambre de la reine. Il n’y avait pas de galerie à Saint-Germain-en-Laye à Amboise et au « Bâtiment neuf » du Louvre. Pour la distribution des logis dans les résidences royales, voir M. Chatenet,
La Cour de France au XVIe siècle. Vie sociale et architecture, Paris, 2002.
[5] Voir A. Compagnon, « Penser en marchant », dans V. Carrand et J.-L. Marion (dir.),
Montaigne : scepticisme, métaphysique, théologie, Paris, 2004, p. 197-210.
[6] « Ce Palais […] grand et spacieux, décoré de portiques et galeries pour se promener et d’une bibliotheque […] qui rendoyent le lieu très somptueux » (N. Houel,
L’Histoire de la Royne Arthémise, liv. II, chap. XII, B.n.F., ms. fr. 306, fol. 56 v° (manuscrit original).
[7] A Fontainebleau, il s’agit du logis que Henri II se fit construire par Philibert De L’Orme au premier étage de l’aile du pavillon des Poêles, et de la Galerie d’Ulysse, accessible seulement à partir de la garde-robe (F. Boudon et J. Blécon,
Le château de Fontainebleau de François Ier à Henri IV, Paris, 1998, p. 66-67). Voir aussi Baudouin-Matuszek, art. cit, note 3.
[8] « Il est raisonnable que [les seigneurs] soient servis comme ils le veulent et leur plaist. Ainsi qu’on voit aujourd’huy estre faict au Palais de la maiesté de la Royne mere, à Paris, laquelle pour son gentil esprit, et entendement tresadmirable accompagné d’une grande prudence et sagesse, a voulu prendre la peine, avec un singulier plaisir, d’ordonner le departiment de sondit palais, pour les logis et lieux des salles, antichambres, chambres, cabinetz, et galleries, et me donner les mesures des longueurs et largeurs, lesquelles je mets en execution en sondit palais, suyvant la volunté de sa Maiesté » (P. De L’Orme,
Le premier tome de l’Architecture, Paris, 1567, p. 20).
[9] Pour l’hôtel de la Reine, on peut consulter : F. Boudon, A. Chastel, H. Couzy et al., S
ystème de l’architecture urbaine : le quartier des Halles à Paris, Paris, 1977, t. 1, p. 187, 195 ; F.-C. James, Jean Bullant. Recherches sur l’architecture française du XVIe siècle, thèse de l’École des Chartes, 1967 (École Nationale des Chartes. Positions des thèses, 1968, p. 101-109) ; C. Turbide, « Catherine de Médicis, mécène d’art contemporain : l’hôtel de la Reine et ses collections », dans K. Wilson-Chevalier (dir.), Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, Saint-Étienne, 2007, p. 511-526. Cependant, une étude plus approfondie reste à mener sur ce remarquable bâtiment. On peut notamment reconstituer les principales étapes de sa construction grâce aux devis de maçonnerie conservés (Arch. nat., Minutier central, CV : 10, 2 et 16 juillet, 17 novembre ; 12, 11 mars 1573 ; 24, 27 janvier 1579 ; 27, mai 1580 ; 28, 2 octobre 1580 ; 31, 30 juin, 14 septembre, 30 novembre, 20 et 24 décembre 1581 ; 33, 23 et 26 mars, 27 mai 1582 ; 37, 11 juillet 1583) et à l’état des dépenses et recettes des Bâtiments de la reine mère de 1581 (Arch. nat., KK 124, fol. 72 et suiv.).
[10] Arch. nat., H 1788, fol. 156 r°,
Lettre de la Reyne mère pour faire fermer une rue, 6 sept. 1577, cit. Registres des délibérations du Bureau de la Ville, t. 8, 1576-1586, éd. P. Guérin, Paris, 1896, p. 138.
[11] Les Filles Repenties, ordre fondé en 1492 pour s’occuper des jeunes filles arrachées à la débauche, occupaient les bâtiments de l’ancien hôtel du Petit-Nesle. En 1573, les pensionnaires furent transférées rue Saint-Denis, au monastère de Saint-Magloire, dont les religieux partirent pour l’hôpital de Saint-Jacques du Haut-Pas (H. Sauval,
Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724, t. 2, p. 211 sq. ; Boudon, Chastel, Couzy et al., loc. cit.).
[12]
 Lettres de Catherine de Médicis, éd. G. Baguenault de Puchesse et H. de La Ferrière-Percy, 10 t., Paris, 1880-1909, t. 5, p. 272 ; t. 10, p. 428.
[13] A. de Barthélémy, « La colonne de Catherine de Médicis à la Halle au blé »,
Mémoires de la Société de l’histoire de Paris, t. 6, 1879, p. 180-199.
[14] Israël Silvestre grava deux vues de l’hôtel de Soissons. La première fut réalisée peu avant 1650 et publiée dans le
Livre de diverses perspectives et paisages faits sur le naturel, Paris, [1650]. Il en existe quelques variantes postérieures. La seconde, bien qu’éditée en 1652 (« Veuë de l’Hostel de Soissons du costé du Jardin », dans Diverses Veues faictes par Israël Silvestre, Paris, 1652), semble reproduire la situation antérieure de plusieurs années : les parterres du jardin y sont clos des murs, le pavillon nord du corps de logis central n’a ni toiture, ni lucarnes, ni cheminées. Elle comporte par ailleurs trop de maladresses pour Silvestre (le mur joignant les deux pavillons se prolonge ainsi au-delà du bâtiment sud).
[15] Portail de l’hôtel de Soissons, dessin (Louvre, inv. RF 5946, 28, fol. 13 v°).
[16] Archivio di Stato di Torino, Sezioni Riunite, Archivio Savoia-Carignano, Dis. n° 0068. On trouve sur ce plan des réalisations des années 1606-1630, les acquisitions de la comtesse de Soissons, les projets de construction et le jardin tracé à la place des parcelles qui morcelaient toujours le territoire de l’hôtel, mais ne furent finalement pas achetées.
[17] Marie, fille du comte de Soissons, épousa Thomas de Savoie, prince de Carignan.
[18] B.n.F., Est., Va-230(d), R. de Cotte 2491 et 817 ; Va-441-ft6, R. de Cotte 814 et 815. Le recueil Va-230(d) contient également trois plans (rez-de-chaussée, 1er et 2e étages) d’une bourse des monnaies : on y distingue notamment quatre presses à bras (R. de Cotte 818, 818a et 818b). Sans désignation des rues, on a cru y voir un projet pour l’hôtel de Soissons. Or, certains bâtiments, murs et escaliers visiblement anciens et dont le projet s’accommode ne ressemblent en rien à ceux de l’hôtel. Bien plus, la parcelle est de forme nettement différente, tout comme les terrains qui l’entourent, et fait plutôt penser à l’emplacement quai Conti qu’occupe l’actuel Hôtel de la Monnaie.
[19] F. Boudon, « Urbanisme et spéculation à Paris au XVIIIe siècle. Le Terrain de l’Hôtel de Soissons »,
Journal of the Society of Architectural Historians, vol. 32, n° 4, 1973, p. 267-307.
[20] Le plan de Turgot, quoique bien postérieur, semble confirmer cette disposition strictement verticale des ouvertures. Par ailleurs, les portraits qui ornent ce mur sont regroupés en panneaux qui nécessitent au moins six-sept trumeaux (voir ci-dessous).
[21] A. Zvereva,
La Collection de portraits au crayon de Catherine de Médicis, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, 2005 (A. Mérot et D. Crouzet dir.) ; idem, Les Clouet de Catherine de Médicis. Chefs-d’œuvre graphiques du Musée Condé, cat. exp. Chantilly, musée Condé, Paris, 2002.
[22] Devis et marché de peinture par Ruggiero de’ Ruggieri, superintendant des peintures de Fontainebleau, peintre du roi et de la reine mère ;
l’Estat des œuvres de peinctures, vernisures et dorures d’or fin qu’il convient faire par Jacques Patin, peintre ordinaire du roi (Arch. nat., Minutier central, CV 31, 20 décembre 1581).
[23] Devis par Jacques Patin : « Item, pour les lambriz dorez et verniz de masnière [de] celuy de la Gallerie qui sont d’or fin, vault seize escuz la thoize [sur les marges par Bencivenni : huict escus]. Item, toutes les croiseés l’une portant l’autre du second estaige [premier étage] peinctes, vernies et dorées d’or fin à huille de mesmes fasson que celles de ladicte Gallerie tant par dedans que par dehors vallet dix escus sol. pièce [sur les marges : une croisee grande et une portant six poutres (barré)]. » Devis et marché par Ruggieri : « Item, fault paindre, coller et vernir de coulleur de boys de noyer ou tané brun tous les lambris de menuyserie tant ceulx qui sont apresent faitz et ceulx qui seront faictz cy apres au partour de la grande salle et de l’antichambre, chambre et des troys petites chambres et deux cabinetz au logis appellé le logis du Roy qui est au second estaige au dessus des estuves en lad. maison, et rendre tous iceulx lambrys paincts, collez, vernis garniz et enrichis dud. or fin comme sont les lambrys qui sont a present faicts en la gallerie et grand cabinet de sad. Maté et y faire les couppons de feuillasure et rabesques avec les chiffres de la Maté de lad. dame et garnir aussi dud. or fin les membres des moullures et filletz des corniches situans au dessus desd. lambrys. »
[24] Devis par Jacques Patin : « Pour les dorures d’or fin et enrichissement des bordures doubles des vingt quatre tableaux doubles qui sont appliquez en la gallerie dudict logis auecq les escriteaux qu’il convient mectre aux tables d’attente et les dorer de la fasson de celuy la ou est peinct les figures du Roy et de la Royne d’Espaigne estant appliquez a ladite gallerie. A raison de vingt quatre escuz pour chacun double tableau vallent ensemble pour ce cy vclxxvi écus sol. [dans les marges : Chaque double tableau seize escus comprins le vernissement des paintures e tableaux]. » Devis et marché par Ruggieri : « Et Premièrement en la gallerie de la Maté de lad. dame ou sont plusieurs tableaulx des Roys, Roynes, [rajouté : Princes] et Princesses, de tous lesquelz tableaux fault paindre, vernir et dorer d’or fin les meubles de moullures et filletz qui sont au partour, tables et cartouches par hault et les enrichir d’œufs guillochez, feuillasures et refentes de plusieurs sortes, et le tout tirer et umbrer comme il appartient, faict et enrichy comme sont a present deulx desdicts tableaulx faictz et encommancez ou sont les Roy et Royne d’Espaigne ; et oultre les escritures des vers en l[ett]res d’or de chasque tableau simple de sortes et manieres [endommagé par l’humidité] commandé par lad. Maté, lesquels vers [endommagé par l’humidité] seront vernyz et placez dedans les tables d’attantes qui sont au dessus [rajouté : ou en] et autre lieu en chacun d’iceulx tableaux où il plaira a sad. Maté ordonner, par quoi fauldra enrichir dud. or fin lesdites tables [rajouté : d’attante] de jongs et filletz et branchages de lorier ou feuillasures avec les chiffres de sa Maté [barré depuis « branchages »] au partour dicelles tables, le tout dud. or fin, tirer et umbrer et faire comme il appartient et ainsy qu’il plaira a sad. Maté commander. »
[25
Calendar of State Papers, Foreign, Reign of Elizabeth, t. XIV, 1579-1580, éd. A. J. Butler, Londres, 1904, p. 175-176, n° 189* (passage cité et traduit par M. Chatenet, op. cit., p. 253). Il est intéressant de noter que, présent à la même réception, Henry Cobham n’a pas visité la galerie. En revanche, il décrit l’hôtel lui-même comme étant un « quadrante » bien proportionné, et doté d’une « pyramide haute de 30 toises » — la colonne — du haut de laquelle on peut voir presque tout Paris (Cobham aux Secrétaires, 21 février 1580, pub. Ibid., p. 161, n° 172).
[26] 15 juillet-25 août 1589, B.n.F., ms. lat. 14359, fol. 417-495 (pub. E. Bonnaffé,
Inventaire des meubles de Catherine de Médicis, Paris, 1874).
[27] 20 février 1604, Arch. Dép. Pyrénées-Atlantiques (pub. M. P. Bayaud, « Inventaire après décès des meubles de Catherine de Bourbon »,
Bulletin des amis du château de Pau, octobre 1959, t. 1, n° 3, p. 11-19). Henri IV à Sully, 18 février 1604, Saint-Germain-en-Laye : « Faictes faire un inventaire des meubles qu’elle a laissez en sa maison, comme aussi des tableaux qui y restent, tant en la galerie, chambre et cabinet ; et vérifiez sur l’inventaire qu’en a le consierge si l’on en a osté, et qui ; car ils me pourront servir pour mes galeries » (Recueil des lettres missives..., op. cit., t. 6, p. 198). D’après Sully, le roi préféra d’abord régler les créances de sa sœur et n’ordonna jamais le transfert de portraits : « et entr’autres meubles, il y avoit dans sa galerie, sa chambre et ses cabinets, des tableaux qui méritoient d’être conservés dans les maisons royales, et que le Roi souhaitoit avoir pour cet effet ; mais on lui avoit fait les dettes de la Duchesse si considérables, qu’il ne crut pas devoir penser à ses meubles, avant qu’elles eussent été liquidées » (Mémoires, 6 vol., Paris, 1788, t. 3, p. 404).
[28] La pièce désignée par les commissaires comme étant « la chambre où souloit loger la royne régnante » et dont la description précède celle de la galerie est probablement en réalité la chambre de la reine mère (fol. 448 r°). Vingt tableaux y représentent François Ier, Charles Quint, François II, la famille d’Espagne, Catherine, ses nains, etc. Dans l’inventaire de 1604, cette même pièce paraît venir après la grande salle, la petite salle et la chambre de Madame (ancienne antichambre de Catherine). Bunel y trouve vingt portraits, mais malheureusement n’en décrit aucun.
[29] Devis et marché de peinture par Jean Fouasse (Arch. nat., Minutier central CV, 36, 23 avril 1583). Depuis le cabinet des Armoires on pouvait également accéder à un escalier en vis qui menait au cabinet de curiosité de la reine mère aménagé dans les combles (B.n.F, ms. lat. 14359, fol. 430 r°).
[30] Fol. 451 v°-452 r°. En 1604, il ne reste plus dans ces deux cabinets que les portraits sur les cheminées.
[31] Fol. 448 v°. Aucun mobilier ne figure dans l’inventaire de 1604.
[32] Dans l’inventaire de 1589 certains portraits sont ainsi dits «en ung chassis », ce qui a fait supposer à certains chercheurs qu’il s’agissait d’un tableau représentant deux personnages. Or, Bunel décrit chaque portrait séparément.
[33] Le portrait de Henri III fut sans doute enlevé par les Mayenne quand ils résidaient à l’hôtel et ne figure dans aucun inventaire, alors que celui de Louise de Lorraine resta en place.
[34] Manquent le duc de Mercœur, père de la reine Louise, d’une branche cadette de Lorraine et donc ne méritant pas de figurer parmi les grands, et le roi Jacques V d’Écosse, dont le portrait était probablement difficile à trouver.
[35] B.n.F, Nouv. acq. lat. 82.
[36] B.n.F, Est., Oa 15 f°2. Louis XI y porte des souliers à crevés apparus sous le règne de François Ier.
[37
Pauli Jovii,... Elogia virorum bellica virtute illustrium veris imaginibus supposita... doctorum item virorum ingenii monumentis illustrium ab avorum memoria publicatis, altero tomo comprehensa, Basileæ, 1571 (voir Paolo Giovio. Collezioni Giovio, le immagini e la storia, cat. exp. Côme, Musel civici, 1983 ; Markus Völkel, Die Wahrheit zeigt viele Gesichter : der Historiker, Sammler und Satiriker Paolo Giovio (1486-1552) und sein Porträt Roms in der Hochrenaissance, Bâle, Schwabe & co, 1999).
[38] Ces recueils, constitués de plusieurs dizaines de portraits au crayon reproduisant les originaux des Clouet et reliés comme un livre, ont apparu en France sur l’instigation de Louise de Savoie peu après la défaite de Pavie. Véritables objets à la mode, leur production connaît dès la fin des années 1520 un essor fulgurant pour ne s’éteindre que vers la fin du siècle. Si les compositions divergent, deux groupes se distinguent clairement : celui présentant la cour de François Ier et celui du début des années 1560. Une vingtaine de ces albums subsistent conservés notamment à la Bibliothèque nationale de France, au Louvre, à l’Ermitage, au musée Condé, aux Offices.
[39] É. Jodelle,
Le Recueil des Inscriptions, Figures, Devises et Masquarades ordonnées en l’hostel de ville à Paris, le Jeudi 17. de Février 1558, Paris, 1558. Voir aussi : P. de Ronsard, XXIIII Inscriptions en faveur de quelques grands Seigneurs, lesquelles devoyent servir en la Comedie qu’on esperoit representer en la maison de Guise par le commandement de Monseigneur le Reverendissime Cardinal de Lorraine, Paris, 1559 ; J. Du Bellay, Inscriptions, in J. Du Bellay, Épithalame sur le mariage de très illustre prince Philibert Emanuel, duc de Savoye, et très illustre princesse Marguerite de France, Paris, 1569, fol. 18 r°-22 v°. C’est probablement vers cette époque que Catherine forma le dessein d’orner une de ses résidences privées d’une grande galerie de portraits, projet que la mort accidentelle de Henri II et les lourdes responsabilités qui pesaient désormais sur elle rendirent plus chères encore à son cœur.
[40] Dans sa lettre du 17 novembre 1540, Sir John Wallop, à qui François Ier montra sa galerie, précise que le roi « en gardait lui-même la clef » (
Calendars of State Papers, Reign of Henry VIII, Londres, 1830-1852, t. 8, p. 484).
[41] J. Thuillier, « Peinture et politique : une théorie de la galerie royale sous Henri IV », dans A. Châtelet et N. Reynaud (dir.), Études d’art français offertes à Charles Sterling, Paris, 1975, p. 175-205.